[Quand nous étions orphelins] Cinquième roman de notre britannique prix Nobel Kazuo Ishiguro, ce livre m’a séduit: non seulement le style de Kazuo y est délicieusement suranné (les années 30) mais il réussit à être à la fois sobre et profondément émouvant. Un enfant anglais qui a grandi dans le Shanghai des concessions internationales, se souvient de son enfance, de son amitié avec un jeune voisin japonais, Akira, et de la mystérieuse disparition de ses parents. Devenu détective privé, il part à la recherche de la vérité des décennies plus tard. Réussira-t-il, contre toute attente, à faire la lumière sur le traumatisme qui a déterminé si largement sa vie? Comme souvent avec Kazuo, les souvenirs s’emboîtent les uns dans les autres et la façon dont la mémoire déforme peu à peu les faits ou dont nos souvenirs d’enfance peuvent être trompeurs est remarquablement reproduit. En prenant comme narrateur un homme à la culture si spécifique, celle des écoles privées anglaises et des understatements, Kazuo atteint à l’universel: l’amour que nous portons à nos parents dans notre petit enfance, les rêves de notre jeune âge adulte, les occasions romantiques plus ou moins fantasmées, les flashs de mémoire vive que nous gardons de tel ou tel moment… En outre, la dimension proprement historique – la présence occidentale en Chine, si proche de la réalité coloniale et en même temps subtilement différente, l’invasion japonaise de 1937 et ses suites – ajoute une autre dimension politique, étroitement unie au thème de fond. Ma seule réserve porte sur le troisième quart du livre qui me parait un peu plus faible. L’ensemble demeure à mes yeux extrêmement évocateur et émouvant.