Dans cet ouvrage pédagogique, Mireille Hadas-Lebel, spécialiste bien connue du judaïsme antique, notamment dans ses relations avec Rome, fait le point sur la question souvent fort embrouillée du Messie. Qu’est-ce qu’un Messie ? Quand apparaît-il dans les textes juifs ? Quelles sont les différentes formes que prend au cours de l’histoire la croyance en sa venue ? L’approche est méthodique : partir des premières mentions du terme dans le corpus biblique et suivre ses apparitions jusque dans l’époque contemporaine. L’importance du livre de Daniel pour comprendre la postérité de la notion de « fils de l’homme » est bien relevée : il sera utile sur ce point de comparer avec la lecture de cette trajectoire qu’a récemment proposée Daniel Boyarin (Le Christ Juif, Cerf, voir la recension dans Études en octobre 2013) : ils se rejoignent tous deux sur la grande place de cette conception « messianique » particulière au tournant de notre ère : « D’abord figure collective “du peuple des saints du Très-Haut”, donc d’Israël, le “fils d’homme” devint une figure individuelle salvatrice qui se superposa à celle du “fils de David”. » Même convergence pour évoquer la présence, minime mais réelle, du thème du Messie souffrant. Dans l’ensemble, sur toutes les questions très disputées aujourd’hui, la position de l’auteur est informée et prudente. Une des vertus du livre est le fait qu’il donne à entendre de nombreux extraits de tous les textes discutés en les accompagnant d’une lecture très claire qui les met bien en situation. Sur la datation des passages du Talmud, l’auteur se montre à juste titre précautionneuse même si certaines formulations semblent faire droit au « mythe de Yavné », soit à l’existence d’un « concile » juif tenu à Yavné après 70, thèse qui est aujourd’hui fortement remise en question. Yavné (ainsi que la place de Yohanan ben Zakkai) est plutôt le nom de code de l’ensemble des décisions prises par les rabbins entre 70 et 200. En bref, une lecture très complète et accessible d’un thème particulièrement difficile et dont on louera l’équilibre et l’exhaustivité.
Recension parue dans la revue Etudes en 2014