[Le roman de Tyll Ulespiègle] L’écrivain autrichien propose une réécriture libre de la légende de Till l’espiègle, le saltimbanque drôle et insaisissable du folklore germanique. Il fait le choix de déplacer l’histoire dans l’Allemagne ravagée de la guerre de Trente ans, juste avant la paix de Westphalie (d’où un chapitre puissant sur la bataille de Zusmarshausen en Bavière le 17 mai 1648 et des descriptions acérées de la misère des campagnes). Chaque chapitre est une unité en soi, une histoire narrée avec verve et humour, dans une langue flamboyante et riche: Kehlmann est un merveilleux conteur et on ne s’ennuie pas une seconde. Je regrette juste que les deux jésuites (Tesimond et Kircher), dans un des chapitres, soient si lourdement caricaturés en chasseurs de sorcières alors même que ce sinistre business se finit (en partie) grâce à un jésuite (Friedrich Spee von Langenfeld) et qu’un autre jésuite, bavarois, Philip Jenningen (béatifié en 2022), était proche du peuple souffrant. Mais bon, à ce ‘détail’ près, un excellent roman picaresque historique et inventif, qui nous plonge dans les mentalités du 17ème avec brio.