Très étonnant ouvrage en vérité… Daniel Mendelsohn y combine récit personnel (sa dépression après avoir écrit le livre The Lost sur ses proches disparus dans la shoah, son goût d’enfant pour les modèles réduits), flashs biographiques sur trois auteurs du passé: le Erich Auerbach de Mimesis, le Fénélon des Aventures de Télémaque et le Seebald (auteur allemand ayant choisi de vivre en Angleterre), des Anneaux de Saturne, et réflexion sur les rapports entre la vie et la littérature. C’est l’occasion pour lui d’esquisser une dialectique entre la manière ‘grecque’ de raconter une histoire et la manière biblique ‘juive’, ce qu’il appelle la façon ‘optimiste’ ou ‘pessimiste’ de narrer (non pas tant dans la vision de la vie qui s’en dégage que parce que l’une pense qu’il est possible de dévoiler peu à peu tout ce qui a été masqué d’entrée, au besoin en multipliant les boucles de digression, et l’autre suppose et s’appuie sur des blancs et des silences jugés indécidables). Tiré d’une série de conférences, c’est un essai inclassable, à la fois incroyablement malin et cultivé, donnant envie de lire (ou relire) certains géants de la littérature mondiale (Racine, Proust par exemple). C’est aussi un hommage à la résilience d’un homme comme Auerbach reconstituant, quasi sans bibliothèque, la littérature européenne depuis Constantinople où il fuyait les nazis. Un éloge de ce que la rencontre en profondeur du meilleur de la culture gréco-chrétienne – pour ainsi dire – et de la culture biblique a pu produire. Une sorte de mémorial à la culture et au récit.