Au temps du grand schisme orthodoxe en Russie, autour de l’an 1666, un troubadour français, un théatreux, se retrouve dans le grand et nouveau monastère de la Nouvelle Jérusalem où vit le patriarche Nikon. Celui-ci lui demande de préparer une grande mise en scène de la vie du Christ en mobilisant des milliers de paysans comme acteurs. Certains joueront les Apôtres, d’autres les malades, certains les chefs juifs etc. L’affaire prend de l’ampleur et dure des années: les acteurs s’identifient si bien à leur rôle qu’ils vont fonder une sorte de communauté spéciale, de ‘secte’ presque, qui va traverser les âges jusqu’à 1939. Sur ce scénario improbable, Sharov compose un roman étrange et puissant, désarçonnant et inégal, fascinant et poignant. Il nous parle de la foi, de l’anti-judaïsme tout comme de la fascination pour Israël, du tempérament russe, de la conquête de la Sibérie et du Goulag, de la Russie troisième Rome et nation messianique. J’ai été à la fois saisi et rebuté, tant par l’intrigue que par le style: j’ai trouvé que le livre avait au fond deux parties qui chacune aurait pu (dû?) faire un roman: la première autour de 1666 et la seconde autour de 1938. Passionnant mais structurellement problématique…