[L’incroyable histoire de Wheeler Burden] Un américain excentrique a une vie riche en péripéties: joueur de baseball, musicien rock, éditeur improbable. Il a surtout eu, à Boston, un étonnant professeur d’histoire, un viennois cultivé, qui a transmis à ses élèves, et en particulier à lui, un amour inconditionnel pour la Vienne de la fin du dix-neuvième siècle. Et le voilà qui, au mitan de sa vie, s’y trouve mystérieusement projeté. L’écriture est vive et informée, et l’hommage à ce moment si spécial de l’histoire, qui, par certains côtés, rappelle le nôtre en ce sens qu’un pressentiment du désastre s’accompagnait d’une grande créativité scientifique et artistique, bien rendu (et c’est le genre de livres dont je rêverais de pouvoir parler avec ma mère, z »l, qui aimait tant cette période et vénérait le livre de Johnston, The Austrian Mind, 1972). Les passages avec Freud sont très divertissants. C’est léger, drôle, avec un vrai sens du drame et des péripéties. C’est un livre foisonnant (avec quelques petites répétitions dans la deuxième moitié, manifestement suscitées par les éditeurs pour ne pas perdre le lecteur distrait!), à la fois roman historique, roman initiatique, histoire d’amour (très belle)… Ecrit sur une période de trente ans, unique en son genre et très personnel, picaresque, ce livre a le côté très rafraîchissant de quelqu’un pour qui les modes littéraires ou idéologiques sont absolument sans importance. J’aurais peut été préféré une structure inspirée de Ian Pears ou de Arturo Perez-Reverte, en ce sens qu’il n’y avait (peut-être) pas besoin de recourir à un tel artifice pour nous faire partager deux époques. Mais ce point est néanmoins secondaire par rapport au beau portrait de la capitale des Habsbourg il y a un peu plus d’un siècle. L’auteur est un conteur né.