Dans de courts chapitres, sensibles, vivants, s’inspirant de nombreux exemples, la philosophe Claire Marin se penche sur les différentes « ruptures » de nos vies humaines. Il en est d’inévitables comme la naissance ou la mort des parents; il en est de non nécessaires mais néanmoins fréquentes et blessantes: un divorce, une incompréhension entre mère et enfant, entre frère et sœur, entre amis. Elle s’inspire dans chaque chapitre d’un philosophe ou parfois de romanciers, intelligemment mobilisés. Elle cherche à la fois à dire, avec des mots précis, de façon quasi phénoménologique, la blessure que ces ruptures créent en nous, les traumatismes qu’elles suscitent, tout comme la possibilité de reconstruction et de renouveau qu’elles peuvent permettre. Le livre est d’une très grande finesse et empathie tout en se situant sur un fond très séculier (les questions de la conversion religieuse ou de l’expérience mystique sont peu abordées ou si le fait de croire profondément que Dieu aime la personne peut avoir un impact sur une des ruptures décrites). Il me semble aussi que, sur la question du changement et de l’identité, elle aurait gagné à évoquer davantage Paul Ricoeur. Le propos est aussi un peu dispersé tant il cherche à embrasser tous les types de ruptures possibles (d’où l’impression de survol dans certains chapitres). Mais ce défaut est comme compensé par la grande attention à l’humanité concrète de l’auteure.