Titre complet : Rien que l’amour. Repères pour le martyr qui vient. Ce petit livre est important. Vraiment. Compte tenu de notre situation religieuse et sociale dans le continent européen, sa lecture fait partie de celles qui aujourd’hui s’imposent (comme sur un registre plus philosophique celle de Pierre Manent sorti à peu près au même moment). De quoi s’agit-il? D’une réflexion brûlante, quasi poétique, à mi-chemin entre Péguy et Bernanos, sur notre situation de chrétiens dans la France (et l’Europe) d’aujourd’hui. Ce livre se tient sur une étroite ligne de crête théologique. Étroite mais inévitable. Tenir ensemble la théologie de la création – qui implique de prendre le temps de l’intelligence et de l’histoire longue, qui impose de défendre ses enfants – et le temps de l’eschatologie qui nous dit que le Prince de ce monde aura l’avant-dernier mot de l’histoire comme à la Croix. D’une part, nous ne pouvons être des paillassons offrant nos gorges aux bourreaux. Comme pères de famille, parents et citoyens, nous n’avons pas peur du combat ou de la guerre. Comme il le dit: « Nous voulons clamer, par notre courage presque païen, enraciné en notre humaine nature, que nous savons encore aimer, courtiser les grâces de ce Dieu jaloux, nous montrer droits et forts parce qu’il nous a créés ainsi, et non pas avachis, à attendre la mort, à prétexter de la charité pour tout tolérer et du martyr pour se résigner à sa propre extermination. Il faudra nous battre absolument, arme au poing, par sens de l’honneur » (51) et plus loin: « La grâce n’est pas de ne pas se battre, elle n’est pas de refuser tout combat – sans quoi, la grâce insulterait la nature. Quand on est contraint à la guerre par la force des choses, dans un monde qui n’est pas le Paradis, la grâce serait de trouver à se battre sans entrer dans la logique du mal » (55). D’autre part, nous savons – même si ce savoir nous fait trembler et que nous aimerions l’éviter – que le martyre fait partie de l’horizon chrétien tant il est vrai que « le serviteur n’est pas plus grand que son maître » et que nous devons méditer cette éventualité avec un sérieux de foi absolu. Du martyre toujours envisagé, il écrit « Pourquoi le martyr ? Parce que ce monde est impossible, qu’il a toujours été, que nous ne pouvons y vivre qu’en sachant qu’on ne peut pas y demeurer, qu’on ne peut pas y fonder définitivement notre foyer. Les chrétiens sont, par adoption, ceux qui le savent et ne vivent pas l’exil humain comme un scandale, un problème à résoudre : mais comme une croix, et toute croix comme ce qui apporte la vie. Les chrétiens sont destinés au martyre car leur sang raconte au couteau de ceux même qui le font couler qu’il n’est aucun sacrifice, sauf de Dieu lui-même, qui apportera l’unité, la complétude, le bonheur… » (72) et un peu plus loin, ceci: « Nous consentirons au martyre parce que telle est notre vocation, à laquelle le Christ nous invite. Encore faut-il le savoir, s’en souvenir, afin que soit pas confondus martyre et attente passive de la catastrophe. » (73). C’est cette chute qui m’intéresse. C’est se tenir sur le fil que propose Martin Steffens mais ce fil est celui de l’évangile. Il coupe mais il fait vivre aussi. Un livre à méditer d’urgence. «
LIVRE – 15/10/2015 – Éditeur : Salvator