Un film de Gad Elmaleh avec Gad Elmaleh, Régine Elmaleh David Elmaleh, Judith Elmaleh. C’est un film vraiment original et rafraichissant. Gad Elmaleh mêle des éléments de sa biographie avec des traits fictionnels pour faire réfléchir sur l’itinéraire spirituel d’un individu contemporain. Enfant au Maroc, il a été fasciné par la figure de la Vierge Marie et il la considère comme sa ‘protectrice spirituelle’, une présence bienfaisante dans sa vie. Mais cela peut-il justifier le baptême et ce que sa famille percevra, logiquement, comme une ‘trahison’? S’il y a certaines scènes cocasses, il y en aussi qui sont d’une forte intensité dramatique (celle du repas de famille où ses parents lui opposent leur ressenti et comment ce ‘prétendu’ baptême est une terrible épreuve pour eux) mais aussi celle avec le vieil homme soigné par la jeune fille angélique (inspirée quant à elle par une vraie jeune catholique rencontrée à Lourdes): celui-ci a sur sa non foi et son parcours des mots d’une extrême justesse qui correspondent, je crois, à ce que beaucoup de personnes éduquées dans la religion catholique dans sa génération pourrait dire. Le film lui est dédié. Faire jouer leur propre rôle à un prêtre, deux rabbins et une religieuse est une vraie bonne idée car on voit bien que tous disent leurs mots et ne suivent pas un script à la lettre. Il y a une complexité propre au ‘judaïsme’, c’est qu’il n’est justement pas d’abord un ‘isme’: il est indissolublement une communauté généalogique comme dit Daniel Boyarin, disons familiale), traditionnelle (avec ses rites, ses prières que l’on comprend plus ou moins, ce n’est pas le point) et une communauté religieuse, une identité de foi, mais les deux peuvent être présentes de façon très spécifique selon presque chaque individu). C’est pourquoi le cardinal Lustiger, joliment cité par Gad, pouvait être profondément chrétien et croyant tout en se disant encore ‘juif’ (dans la mesure où il ne voulait en rien renier son histoire, ses parents, sa tradition généalogique). C’est pourquoi la scène contenant l’interview de Frédéric Lenoir distinguant la conversion ‘de cœur’ de personnes comme Henri Bergson et Simone Weil, est très intéressante car elle permet de comprendre le fil sur lequel se tient Gad (et qu’il ne voudra pas quitter de sitôt je suppose): on peut être touché intérieurement soit par le Christ soit par la Vierge, éprouver un attrait intérieur pour une forme de culte, tout en maintenant un désir profond d’appartenance au peuple juif, à la communauté et tradition juive et ne pas vouloir la quitter. Il est intéressant d’ailleurs, il le relève plutôt dans les interviews autour du film (certains sont vraiment intéressants) que sa soif spirituelle, son itinéraire l’amenant à dire ‘la spiritualité chrétienne (ou plutôt mariale!) m’intéresse », avec un renouveau d’intérêt pour la tradition juive, l’amène à rencontrer davantage de rabbins (ce qu’il n’aurait sans doute pas fait s’il avait juste acheté une nouvelle voiture et fréquenté une mannequin d’un 1,80 mètres comme le dit avec humour sa sœur): le film est court, léger, ne s’appesantit jamais: il est très respectueux du judaïsme comme du catholicisme. Il est excellent pour montrer qu’une recherche ‘individuelle’ n’est jamais que cela car on appartient toujours à une famille, un cercle d’amis, et que « changer de religion » (même dans un cas aussi spécial que du ‘judaïsme ‘ au ‘christianisme’, religion née au sein d’une autre par un ‘fondateur’ qui n’a jamais voulu, lui, « fonder une religion » mais participer au dévoilement du dessein de Dieu et à la renaissance eschatologique de tout Israël) est toujours un tremblement de terre collectif et pas seulement personnel. Surtout quand l’histoire contient tant d’exemples de persécutions et de conversions forcées (ce que rappelle énergiquement son cousin)… Ce film personnel, touchant, et parfois fort (deux ou trois scènes sont puissantes de vérité), est courageux. Pas facile de parler du catholicisme ou de la Vierge sans tomber dans le ridicule ou le dénigrement aujourd’hui en France! Au-delà de son cas personnel, Gad invite au fond chacun à chercher, à laisser parler sa soif de métaphysique et de spiritualité. Il dit: ‘chiche, cherchez, questionnez, dialoguez avec des interlocuteurs variés’: une attitude au fond très juive 😉
Armand
Bonjour . Juste un sentiment pas encore une réflexion !! N’y a t il pas aussi une opposition entre le caractère très incarné assumé par les personnes de tradition juive et les catholiques , notamment par l’humour et la liberté de parole ?
Marc Rastoin
c’est un point clef que le christianisme religion de « l’incarnation » soit souvent peu incarné… D’un autre côté la dimension proprement généalogique, culturelle, nationale, de la communauté juive (pour une pas utiliser justement un « isme ») est aussi un atout même si cela rend la démarche de conversion plus difficile et plus couteuse en un sens. Il y a une aussi grande fluidité , voire même plus grande, au sein du ‘monde juif’ qu’au sein du monde catholique (mais celui-ci n’est pas le tout du monde chrétien… donc de « monde » à « monde », il y a une grande pluralité!). merci pour votre observation.
Armand
Merci beaucoup pour votre éclairage