Coïncidence forte aujourd’hui : je finis « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal. Et vais voir « The Homesman » de Tommy Lee Jones. Il y a une profonde connivence entre ces deux œuvres que tout pourtant semble séparer… sauf que la phrase de la pièce de Thekhov, Platonov, reprise par Maylis : « Enterrer les morts, réparer les vivants » correspond étonnamment bien au film de TL Jones. Comme il n’est pas facile d’enterrer des morts ! Comme il est difficile de réparer des vivants, des êtres brisés par des vies trop dures ! Les deux œuvres sont dures par bien des aspects mais elles nous mettent avec honnêteté face au mystère de notre humanité, à la fois si fragile et si forte, si égoïste et en même temps capable de vraie générosité… Dans l’ouest austère du Nebraska, des pionniers scandinaves cherchent à survivre dans un hiver dantesque. Seule la foi vient relayer leur courage quand tout vient à manquer. The Homesman est un film profondément féministe parce qu’il nous fait toucher du cœur les épreuves sans nom vécues par tant de femmes des siècles passés confrontées à la mort de leurs enfants, à la violence masculine ordinaire et pourtant porteuses d’une foi souvent immense. Malgré cette foi, il arrive que le roseau se casse : tout homme – toute femme – a un ‘breaking point’ comme nous le rappellent chaque jour dans nos rues les SDF… Oui notre vie sur terre ne consiste peut-être qu’à savoir enterrer les morts et réparer – guérir dirait Jésus – les vivants : tâche qui peut paraître si lourde certains jours, si inaccessible et qui est pourtant si belle, si forte parfois que nous ne pouvons douter qu’elle peut suffire à justifier un monde…
LIVRE – 02/01/2014 – Éditeur : Cales