Le titre ne doit pas être pris comme une boutade. Le célèbre professeur d’Harvard nous offre ici une histoire des différentes conceptions de la circoncision au long de la longue histoire du judaïsme. Fait-on partie du peuple juif à la naissance, privilégiant ainsi la dimension généalogique « nationale » ou appartient-on à la communauté juive seulement en étant circoncis selon une logique davantage « religieuse » (et dans ce cas, par quel moyen les femmes appartiennent-elles vraiment à ladite communauté ?) ? Il s’agit finalement dans cet ouvrage riche, complexe mais passionnant, de montrer différents types de réponses à la question insoluble par excellence : qu’est-ce qu’un juif? En passant, l’auteur montre comment le judaïsme s’est redéfini au fil des siècles selon le contexte dans lequel il vivait, chrétien ou musulman. C’est ainsi que le rôle du « parrain » (le sandaq) a pris de l’essor en contexte chrétien. De même, le versement du sang a pris une place croissante dans un environnement où le sang du Christ était un thème majeur dans la Rédemption. Analogiquement, en terre d’islam, le rituel autour de la virginité de la mariée s’est développé. Dans ce cas, les rabbins étaient plus enclins à voir dans ce sang-là, et non dans le sang des règles régi par les lois de Niddah, l’équivalent du sang versé de la circoncision. On le voit : ce n’est pas seulement la question des évolutions internes du judaïsme en interaction permanente avec son environnement religieux que ce livre aborde de front mais aussi celle de la place des femmes dans une religion, « le judaïsme rabbinique classique, qui a toujours été une culture dominée par les hommes ».
Recension parue dans la revue Etudes en 2016