Immense succès dans le monde anglo-saxon, cette œuvre du romancier et artiste catholique canadien Michael O’Brien a été adapté en France pour la BD. Ce roman, à la fois théologique et apocalyptique, fait le récit de la mission confiée par le pape à un carme atypique, juif et même israélien, père Elijah. En effet, dans un temps indéterminé, un leader politique européen semble être promis à un grand avenir en se présentant comme un homme désireux d’une paix universelle mais le pape se demande si cet homme ne serait pas plutôt en réalité l’anti-Christ. Le scénario est proche de celui imaginé par Robert H. Benson dans son Lord of the World (paru en 1907). C’est une manière de dénoncer l’humanisme franc maçon d’il y a un siècle, en réalité viscéralement hostile à l’Eglise sous des dehors de tolérance. Et beaucoup de traits tombent encore justes. L’Apocalypse n’est pas toujours prise au sérieux par les chrétiens eux-mêmes qui peuvent être parfois dans l’illusion d’un monde qui pourrait trouver par lui-même la volonté de son propre salut (il s’agit donc en définitive de comment comprendre Rm 5 sur le péché originel et Mc 13 sur l’apocalyptisme de Jésus). D’un autre côté, l’ensemble peut prêter le flanc à une lecture au fond assez complotiste, et cela au sein même de l’Eglise. Qu’il y ait des différences profondes sans doute mais tout ne vient pas non plus du démon. Au plan BD, le résultat est propre, efficace même si je trouve que les bulles absorbent trop de l’attention au détriment du dessin (comme parfois dans certains Black et Mortimer). On peut discuter certaines hypothèses de O’Brien mais son livre, comme cette version BD, amènent à se poser de bonnes questions sur notre monde et le rôle de l’Eglise en son sein.