Avec sa verve bien connue et sa plume élégante, Alain Finkielkraut commente quelques citations qu’il aime bien, d’auteurs plus ou moins connus (de Marc Bloch à Hannah Arendt en passant par de Gaulle). Plusieurs ne paient pas vraiment de mine, mais il réussit à en tirer un judicieux commentaire en lien avec notre présente situation culturelle. Il assume de passer pour un vieux réac mais les soucis qu’il partage sont ceux de beaucoup (et j’en partage de nombreux). La discussion sur le fameux ‘grand remplacement’ est très honnête et même drôle (lorsqu’il relève que des acteurs marqués à gauche et des militants de LFI ont au fond dit la même chose que Camus mais en y voyant une bonne chose et alors il n’y a pas de problème). Bref, « au nom du vivre-ensemble, je redoute par dessus tout le devenir-Liban de la France » (145). Il y a un bon chapitre sur le trans comme sujet symbole idéal de la culture woke tant il est le roi de l’autodéfinition balayant toutes les limites corporelles créées: « Le trans est le Messie du Je » (190). Il y a un côté augustinien chez lui, qui rejoint bien Joseph Ratzinger (cela se sentait déjà dans ‘Et si l’amour durait’): il y a peu entre lui et le christianisme: juste la foi… Et la ligne de crête est au fond la reconnaissance du péché originel comme une marque permanente. Il y a un chapitre sur le rire – et la façon dont des enfants peuvent se moquer d’un handicapé, ou d’un faible en général – qui est très parlant avec cette phrase peu attrayante mais au fond pas fausse: « Le rire est la marque en nous du péché originel » (169). Le tout se lit vite: ce sont des méditations brèves, désabusées mais qui se refusent à désespérer malgré la couleur des temps qui sont les nôtres.