Certes, c’est court, c’est répétitif, c’est souvent plus asséné que démontré… Mais… Mais ce livre dit des choses fondamentales sur l’état de nos sociétés occidentales, et même au-delà en fait… Des élites mondialisées, nomades, vivant en vase clos, les grandes métropoles où l’on s’amuse bien, laissent de côté les populations ‘périphériques’ qui sont en réalité une majorité: ces populations qui font le succès électoral d’un Trump, d’un Brexit, d’un Salvini, etc, qui veulent des frontières, du respect, une culture qui ne les traite pas comme des dégénérés obtus. Bref, dans le constat, c’est un livre à entendre tout autant qu’à lire. Deux remarques: d’une part l’expression « instabilité démographique » est un euphémisme qui ne correspond pas trop à l’auteur mais bon, passons. Ensuite, et c’est une critique plus rude, il surestime je pense le côté volontaire, cohérent, décidé du processus mental ou politique des classes dirigeantes ces dernières décennies: elles n’ont pas – collectivement j’entends – le machiavélisme qu’il leur prête et qui rapproche son analyse d’une vision complotiste du réel. Par ailleurs, il n’accorde pas assez de place je pense à la dimension proprement religieuse et spirituelle de la crise culturelle occidentale.
« Le populisme n’est pas une poussée de fièvre irrationnelle, mais l’expression politique d’un processus économique, social et culturel de fond » « il traduit la volonté des plus modestes de préserver l’essentiel, leur capital social et culturel » ou encore « à la volonté de réduire l’Etat-providences, de privatiser, les classes populaires mettent en avant la nécessité de préserver le bien commun; à celle de déréguler, de dénationaliser, elles opposent un cadre national qui conditionne la défense du bien commun; face au mythe de l’hyper-mobilité, elles révèlent la réalité d’un monde populaire sédentaire beaucoup plus durable; enfin à la construction d’un monde de l’indistinction culturelle, elles opposent la réservation d’un capital protecteur » ou encore, après montré la différence avec les autres continents: « Si les élites mondialisées participent partout à la même captation des richesses et au même abandon du bien commun, dans aucun pays on ne croise des classes dominantes qui se sont autant dépouillées de leur histoire, de leur culture, de leur cadre national. Jamais une classe médiatique, politique et universitaire n’a autant dénigré, ostracisé, insulté son propre peuple duquel elle se retrouve isolée. isolée également du reste du monde qui ne supporte plus ses leçons de morale ». « Tous les sondages montrent au contraire que la régulation des flux est une idée partagée par l’immense majorité des classes populaires quelles que soient leurs origines » ou encore « l’opposition entre une approche dite identitaire et une approche dite sociale des milieux populaires est absurde. Il n’y a pas d’opposition entre social et culturel, mais interdépendance. Le capital culturel des plus modestes conditionne le lien social et inversement »