J’ai découvert Clémence grâce à son livre d’entretiens avec Daniel Boyarin, Une vie dans le Talmud et j’ai eu envie de mieux la connaître. Ce court texte, son premier, est un récit très sobre, très brut, très personnel, de son expérience de petite fille puis de jeune femme confrontée au suicide de son père, le juge Gilles Boulouque, premier magistrat du pôle antiterroriste dans les années 80. Juge passionné, compétent, bosseur, il n’était pas préparé aux jeux politiciens, aux insinuations vicieuses, qui au moment de l’affaire Gordji, firent qu’il fut pris pour cible par certains… Un peu à la façon de Valérie Plame au moment de l’Affaire Plame-Wilson (cf. Fair Game pour ceux qui n’auraient pas vu ce très bon film)… Ce récit est touchant par sa sincérité, son refus des effets, sa dignité. Je ne retiens que deux phrases qui m’ont retenu… La première évoque un camionneur italien qui vient en aide à leur famille lors d’un accident sur autoroute: elle écrit : « il est reparti comme s’en vont les anges gardiens, de façon feutrée, en ne laissant d’eux rien d’autre que des vies sauves et le souvenir de l’abîme » (52). La seconde me rappelle une amie italienne confrontée à cette même question obscure au moment de son mariage : « j’ai rassemblé mes forces pour lui demander si elle savait de qui nous tiendrions le bras lors de notre mariage ; pour lui parler de nos enfants, qui ne connaitraient jamais leur grand-père ».
LIVRE – 2003 – Éditeur : Gallimard