Dans cette thèse, l’auteur reprend une proposition classique selon laquelle la déclaration du centurion au pied de la croix – « vraiment, cet homme était fils de Dieu » (Mc 15,39b) constitue la pointe de tout l’évangile (et une confession réelle et non ironique). S’appuyant à la fois sur l’inclusion du thème de la déchirure (Mc 1,10 et 15,38) et sur le fait que ce sont des outsiders rencontrés une seule fois qui se montrent dans l’évangile les plus aptes à discerner qui est Jésus, Gamel considère qu’effectivement les différents fils de l’évangile se tissent autour de cette figure qui est celle d’un païen et qui plus est un romain : « La confession du centurion, bien que choquante et constituant un climax, n’est pas complètement sans précédents… Le centurion est l’exemple central et marquant de la perception humaine dans l’Evangile de Marc… Il voit entièrement et complètement°» (151). Que voit-on donc le centurion puisqu’il n’y a rien à voir ? Eh bien rien justement. Rien ne peut justifier cette parole si ce n’est un don venant d’en haut. Par révélation lui est donné de connaître la véritable identité de Jésus et le dessein de Dieu : « Le centurion ne dit ce qu’il dit que parce qu’il est le récepteur de l’action révélatrice de Dieu »(176), laquelle est signifiée par le signe du voile du Temple qui se déchire et que Marc nous communique à cet instant précis. Il est très frappant que cette ‘révélation’ n’est pas donnée à l’un des Douze mais bien à un outsider absolu : « La vision eschatologique est offerte à l’ultime outsider en Israël et ce qu’il voit c’est que Dieu et l’humanité sont désormais unis » (171). L’aveuglement de l’humanité à ce qui se jouait dans la vie de Jésus – et que nous avions trop souvent constaté dans l’évangile – est ici levé. La thèse défendue ne peut être considérée comme nouvelle – ce verset avait depuis longtemps retenu l’attention des lecteurs – mais l’auteur a eu le mérite de le montrer en s’appuyant sur une lecture globale de Marc et sur une prise en compte étroite des versets 38 et 39. Gamel rejoint ainsi ces auteurs qui mettent bien en valeur la nature apocalyptique de l’entrée dans le monde de la foi dans le NT (cf., pour ce qui est de Marc, Elizabeth E. Shively, Apocalyptic Imagination in the Gospel of Mark, bulletin 2016, n°27, et pour ce qui est de Matthieu, John R. Markley, Peter Apocalyptic Seer, bulletin 2016, n°37). L’ensemble est clair et plutôt convaincant.
Recension parue dans les RSR en 2019