FILM – 14/12/2016 – de Kenneth Lonergan avec Casey Affleck, Michelle Williams, Kyle Chandler
Ce film de Kenneth Lonergan (réalisateur d’un de mes films culte « You can count on me » en 2000) nous plonge dans la vie d’une famille ‘ordinaire’ des classes populaires du Massachusetts: des ‘lapsed (broken) Irish catholics’. La structure du film (avec ellipses et suspenses bien dosés) est brillante, la musique (notamment classique) très bien choisie, les acteurs remarquables (avec un Casey Affleck oscarisable). J’ai éprouvé un petit sentiment de déception à la fin mais ce choix reflète en fait le désir de ne pas boucler et de refuser une catharsis à bon compte, alors même qu’un beau chemin d’humanité, de pardon et de parole s’est effectué quasi insensiblement. Il y a des drames terribles dans la vie humaine, nos actions ont des conséquences et on ne peut revenir en arrière; il serait vain de le nier. Se remettre debout, continuer à vivre, est un long chemin où les mots souvent viennent à manquer. Une scène en particulier exprime cela à la perfection: deux anciens époux se retrouvent dans la rue et cherchent leurs mots, l’une pour demander confusément pardon, l’autre pour dire tout aussi confusément qu’il ne la blâme pas et s’accablerait plutôt. je repense à cette phrase de Nicolae Steinhardt, où ce qui est dit du Christ vaut aussi de nous je pense: « Le Christ aussi parlant, à la fin, à ses disciples comme à des amis devient de plus en plus en plus obscur (à mesure que l’on dit des choses plus importantes, à mesure que l’on se confie plus pleinement, que l’on se confesse sans réticences, il faut se faire comprendre plus difficilement et il faut user toujours plus du paradoxe) » (Nicolae Steinhardt, Journal de la félicité, Arcantère/Unesco 1995, p. 271). Bref un film d’une belle humanité, cabossée mais vivante.