Dans cet ouvrage, David Hamidovic se penche sur une question fort débattue : qu’en est-il de l’Apocalypse ? Comment sont nés les écrits dits apocalyptiques et pourquoi ? Il s’agit de dessiner peu à peu « les contours et les mécanismes de l’apocalyptique juive à l’œuvre dans l’Antiquité ». Son projet se veut à la fois exhaustif et pédagogique, notamment en donnant souvent des extraits assez larges des textes en question ce qui permet de les approcher de plus près. Tout en présentant l’opinion majoritaire de façon très synthétique, l’auteur avance plusieurs hypothèses suggestives : ainsi, dans son analyse de Daniel 7, il en vient à la conclusion que « les écrits apocalyptiques se situent dans une filiation consciente par rapport aux écrits prophétiques », mais c’est pour observer peu après que « l’étude des rapports entre la prophétie et l’apocalyptique a longtemps masqué une autre filiation : le lien entre la sagesse et l’apocalyptique ». Ce sont ainsi deux lieux majeurs de la Bible : la littérature prophétique et les écrits de sagesse qui sont mis en lien avec l’apocalyptique. Loin d’être une sorte d’excroissance assez marginale, et pour tout dire suspecte, les écrits apocalyptiques se situent dans une cohérence profonde avec la trajectoire biblique canonique. L’auteur montre aussi, de façon convaincante, les éléments de proximité entre les écrits canoniques (Daniel) et les écrits extra-canoniques (comme la littérature hénochienne) : « le discours eschatologique avec le jugement final, le châtiment des pécheurs et le renouvellement de l’univers devient un thème majeur de l’apocalyptique, un thème né de la rencontre entre la sagesse de divination et la révélation de secrets, la prophétie biblique et la perception négative des temps présents au IIe siècle avant notre ère. » Il va jusqu’à relever, ce qui me semble aller dans le sens de la recherche actuelle d’un Daniel Boyarin par exemple, qu’il « est préférable de parler de milieux apocalyptiques et non de milieux “hénochites” ou “daniéliques” ». Il ne faudrait pas identifier trop vite des écrits à des communautés précises car ces écrits circulent largement dans différents groupes, sont relus et réinterprétés sans qu’il faille penser « à un mouvement unique ou unifié ». Les milieux apocalyptiques étaient loin d’être fermés sur eux-mêmes. Une deuxième thèse, plus originale, est esquissée à la fin du livre : la littérature apocalyptique (notamment sous sa forme hénochienne) est antérieure dans ses grands thèmes
à la crise maccabéenne (vers moins 167) : ainsi « il devient difficile de faire de l’apocalyptique une littérature née de la révolte maccabéenne, une littérature de propagande maccabéenne ». Ce serait davantage la crise culturelle marquée par les progrès de l’hellénisation que la crise, plus politique, de la révolte maccabéenne, qui serait le berceau des écrits apocalyptiques. Quoiqu’assez court, l’ouvrage n’est pourtant pas de lecture facile tant l’auteur convoque de nombreux textes et expressions peu connues chez les non spécialistes. Cependant il couvre avec clarté un champ considérable et fait un point bienvenu sur une question difficile et passionnante.
Recension parue dans la revue Etudes en 2014