Une fillette parisienne de dix ans se voit menacée de perdre la vue, sans que l’on sache vraiment ce qui cause ses troubles. Alors son grand père adoré décide de lui faire découvrir chaque semaine un chef d’œuvre de peinture afin que si, par malheur, la cécité survenait, elle ait des chefs d’œuvre dans sa mémoire. Chaque chapitre se partage alors en deux temps : d’une part, nous la voyons dans sa famille, choyée par un père brocanteur tendre et alcoolique et une mère forte et stoïque, entre rendez-vous de médecins et école et d’autre part vivant chaque semaine sa leçon : le déroulé en est identique, d’abord une contemplation silencieuse de l’œuvre (au Louvre, à Orsay puis à Beaubourg) puis une explication à la fois profonde et accessible (un peu à la façon d’un Daniel Arasse) et enfin une leçon de vie, à mi-chemin entre le spirituel et le philosophique. C’est très bien écrit, c’est-à-dire de façon naturelle et simple, sans temps morts ni facilités. Les leçons de vie m’ont paru très justes, surtout les premières (comme celle sur la gratitude, le premier mot de la foi). D’ailleurs il y a une certaine bienveillance qui s’exprime pour le monde de la foi (la famille étant partagée, de façon très française, cela rappelle un peu ce qu’en dit Édouard Philippe dans Des hommes qui lisent) et c’est heureux. J’ai beaucoup aimé la première moitié. Vraiment. Après il y a un hic….
Donc, j’invite ceux qui voudraient le lire, ou n’aiment pas les spoilers!, à s’arrêter maintenant. Ils assumeront leur choix de s’arrêter maintenant. Quant à ceux qui veulent mon opinion complète, celle qui prend en compte totalement qui je suis, ils assumeront de continuer…
Voilà chacun est prévenu !
Dernier avertissement!
Donc, il y a un secret de famille qui porte sur la grand-mère de la fillette décédée quand celle-ci avait trois ans. Cela on le sait assez vite. Mais ce n’est que peu à peu, après la moitié, que l’on devine ce qui s’est passé. La fin du livre, catharsis bien préparée et conclusion émotionnellement littérairement parfaite, constitue cependant une apologie directe de l’euthanasie. D’autant plus puissante qu’elle a été préparée par tout le parcours antérieur et se situe du côté catholique engagé de la famille… S’il y avait eu un autre secret, un autre traumatisme, j’aurais adoré l’ensemble mais là, j’ai un peu le sentiment de m’être fait avoir.
Du coup, soit l’on est sensible à cette prise en otage finale, sensibilisé sur la question de l’euthanasie (qui avec la question trans est l’autre grande frontière avancée de notre civilisation et toute personne qui ne voit pas que c’est un immense progrès n’a rien compris…), et l’on fera mieux de s’abstenir, soit on conservera la très belle leçon d’histoire de la peinture (même si je suis moins touché par les dernières œuvres et que le ‘artistiquement correct’ domine un peu trop je trouve et où, du coup, les leçons de vie sont plus artificielles) et l’on appréciera la beauté de cette relation grand-père petite-fille et l’éloge de la peinture…