Prix Goncourt 1956. Gary raconte dans un récit choral et coloré l’épopée d’un français, Morel, qui consacre sa vie à la défense des éléphants alors que nous sommes au début de l’ère des indépendances et de la guerre froide et que son combat écolo (on pourrait même dire que Gary invente le genre de l’écoterrorisme). Autour de lui une collection de personnages bien trempés, un naturaliste danois vieux combattant écolo, un politicien tchadien rêvant de modernité pour l’Afrique, une entraîneuse allemande ayant atterri à Fort Lamy, un photographe juif américain, un guide arabe ancien contrebandier et bien d’autres. Outre le côté prophétique du propos, me frappe la justesse de la vision anthropologique de Gary. Il montre une méfiance envers les grandes idéologies et sait se moquer des rhétoriques politiques du temps avec une verve pertinence impressionnante. Malgré la distance temporelle, le roman tient la route. Il commence, étonnamment, par un jésuite sosie de Teilhard (que Gary avait personnellement connu). Mon seul reproche serait qu’il se traîne un peu au prix d’un assez grand nombre de répétitions dans les discours des uns et des autres (Waitari, Morel lui-même). Cela donne un côté luxuriant et baroque à la narration. On sent aussi que Gary, qui était passé par là pendant la guerre, a connu ses paysages tchadiens et cela rend plus crédible le récit qui mêle lieux réels et imaginaires avec bonheur.