J’avais été marqué il y a quelques années par Missa sine nomine mais l’on m’avait dit que Les enfants Jéromine était son chef d’œuvre. C’était vrai. Le livre frappe par son ampleur impressionnante, un style unique, quasi hypnotique, un rythme inexorable et fort. Il nous décrit la vie d’une fratrie allemande vivant dans un petit village des Marches de l’est aux confins de la Prusse orientale, de la Lituanie et de la Pologne, de 1900 à 1940. Il y a du Ignazio Silone dans la description du quotidien de la vie de paysans pauvres qui demeurent d’une grande dignité. Dans ce ton évangélique se méfiant des grands discours et des notables. Il y a du Peguy pour ce qui est du parfum d’un Christ proche des malades et loin des institutions comme pour ce qui touche au style, une prose presque poétique. Il y a du Cronin dans le destin d’un jeune homme pauvre animé du grand désir de devenir médecin. On devine que beaucoup vient des propres souvenirs de l’auteur. Quel hommage en tout cas au peuple des humbles d’avant 14, aux hommes et aux femmes fortes qui se méfiaient des grands mots, connaissaient la terre et sa patience, avaient un sens spontané de ce qui est juste et furent broyés par les décennies impitoyables qui suivirent. Magnifiquement écrit. Oui, un chef d’oeuvre incroyablement humain et évangélique.
Isabelle Rabier
Merci !