Les travaux de l’exégète Thomas Römer sur le Pentateuque, et plus largement sur la composition de la Bible hébraïque, font référence. Non pas tant parce qu’il présenterait une nouvelle théorie séduisante mais plutôt parce qu’il a l’art de présenter simplement des sujets complexes et d’ouvrir le champ des interprétations. C’est pour cette dimension de tête chercheuse qu’il a été élu en 2007 au Collège de France pour une chaire consacrée aux « milieux bibliques ». Pour la première fois, une chaire ayant le mot « Bible » dans son intitulé entrait dans cette institution et Les Cornes de Moïse en sont la leçon inaugurale. Pour ceux qui préfèrent encore le papier au fichier internet audio, l’édition en est disponible. Le Dieu obscur est la troisième édition d’un livre qui cherche à faire le point sur tous les passages difficiles de la Bible évoquant un Dieu cruel, vengeur, misogyne, violent, voire incompréhensible. Il présente sous un format lisible les principaux passages scabreux des Ecritures et cherche à montrer dans quelle intention et à l’aide de quelles ressources ces passages ont été écrits. T. Römer montre comment les auteurs se sont inspiré des religions et des cultures des puissants Etats parmi lesquels ils avaient à vivre pour élaborer une sorte de « contre-histoire ». La Bible ne contient pas un discours monocolore sur Dieu. Au contraire, des conceptions parfois clairement opposées ont été reçues dans le même recueil. Loin d’être regrettable, cette réalité nous permet de voir comment la Bible contient en elle-même une réflexion qui s’est poursuivie plusieurs siècles sur l’identité de ce Dieu au nom lui-même mystérieux : YHWH. La Bible ne donne pas de réponse toute faite. Fruit elle-même d’un compromis entre différentes écoles théologiques, elle est à lire aujourd’hui dans cette pluralité de façon à évangéliser, pourrait-on dire, notre conception de Dieu. Si la reprise théologique est parfois un peu trop rapide, la clarté du propos et la richesse de la documentation récompenseront largement le lecteur et lui donneront le désir d’aller plus loin.
Recension parue dans la revue Etudes en 2010