C’était le Covid et il y avait le confinement et les interdictions de célébrations publiques et une drôle d’atmosphère. Jean-Pierre Denis, journaliste catholique (qui dirigea La Vie de 2006 à 2020), a le sens de la formule et n’a pas peur des polémiques franches. C’est en catholique confessant et libre qu’il s’exprime. Dans ce court essai percutant, il réfléchit sur notre société française présente, son rapport à la religion – et à la santé – en utilisant la catégorie, ancienne mais risquée, de ‘signes des temps’. Où et comment peut-on dire que Dieu nous parle?! « Donc, tout le texte biblique, toute l’expérience humaine, est affaire de signes et de sens. Ou de non-sens, ce qui ne fait pas moins efficacement signe. Entre les signes explicites que l’on ne respecte ou ne comprend pas et les signes prophétiques que l’on ne sait pas lire… ». Discutant avec un interlocuteur et contradicteur plus ou moins fictif, il livre sa pensée, de façon humoristique (« Mais si vous voulez que je m’exprime en version Jésus, je vous dégotte un bon jésuite de derrière les fagots, un du dernier siècle avant le coronavirus, François Varillon. Un jésuite, c’est comme un rabbin, ça fait toujours chic et ça donne l’air intelligent »(sic)) et sans filtres, un peu à la façon d’un Bloy moderne (un poil moins virulent quand même!). Il a des affinités avec le pape François qu’il cite de façon assez originale: « C’est la pensée du pape François quand il écrit ces lignes : « C’est un moment pour rêver en grand, pour repenser nos priorités. Ce que j’entends en ce moment est semblable à ce qu’Isaïe entend Dieu dire à travers lui. “Viens, parlons de tout cela.” Dieu nous demande d’oser créer quelque chose de nouveau. » Il cite Halik et Buber et je le rejoins tout à fait dans la distinction de ce dernier, qu’il reprend, entre religion et religiosité, mais où je parlerais volontiers de la distinction (sans opposition mais) entre ‘religion’ (ce que le christianisme est toujours tenté de devenir et encore davantage aujourd’hui en France) et ‘foi’ (et ses frère et sœur le Royaume et l’Evangile): « Ce sont, aurait dit Martin Buber, des moments où la religiosité renouvelle la religion. La religiosité, expliquait-il, est « ce sens toujours renouvelé de l’émerveillement et de l’adoration, qui cherche sans cesse une expression, une formulation nouvelles. […] Le paradoxe est que la religion ne demeure vivante qu’aussi longtemps que la religiosité la travaille et, à courte vue, semble la mettre en cause ». L’Eglise et la religion n’existent que pour autre chose qu’elles-mêmes, pour l’évangile et le feu qu’il implique… Ou encore « Jésus n’a pas demandé aux disciples de s’offusquer, mais d’annoncer la joie du Royaume, la bonne nouvelle du Salut pour tous les hommes. – Ne confondons pas cathos et pathos. Je résume… – Vous résumez bien. […] Mais alors plus d’amour, de service, d’Église hôpital de campagne, de lavement des pieds, de sacrement du pauvre. Encore plus de Bible, de semailles, d’évangélisation, d’attestation ». Il ne cache pas le dommage fait par les abus… mais sait aussi que les Chrétiens ont quelque chose à porter: « Soyons donc plus humbles. Reconstruisons d’abord l’Église domestique, l’Église missionnaire, l’Église confessante, l’Église itinérante… et le reste viendra par surcroît […] il va falloir se dégourdir les jambes hors de l’église parce que sans les chrétiens, le monde ne va pas s’arranger. Pas s’arranger du tout. » Bref, pas moyen de déserter…