Vadim Baranov, longtemps ancien conseiller de V. Poutine, se confie sur son histoire, l’ascension de Poutine et sur la Russie. C’est extrêmement bien écrit, de façon très fluide et efficace, vivante et sans un mot de trop. Il y a des formules très justes de-ci delà. Ecrit avant la guerre, ce livre permet d’entrer vraiment dans la mentalité du Tsar Poutine et de ceux qui l’entourent. Loin d’en être la justification, c’en est une explication pertinente. Sous certains aspects, il rappelle l’excellent Limonov de Carrère (personnage d’ailleurs croisé dans ce livre) sorti en 2011. Un excellent roman.
Pour un exemple de formules pertinentes, j’en donnerais 8:
1. « Il ne faut jamais sous-estimer la nature sentimentale des rapports politiques ».
cela vaut aussi dans le monde religieux, bref, dans le monde humain tout court…
2. « C’est toujours comme ca dans les ministères. Un petit groupe travaille frénétiquement dans une pièce et tous les autres ne foutent rien ».
ce n’est pas hautement métaphysique mais très bien vu…
3. A Washington: « Partout nous étions accueillis avec cette expansive cordialité américaine sous laquelle on perçoit, presque toujours, une veine de condescendance. »
Qui a été été aux EU connaît ce sentiment. Le ‘presque’ est d’une belle miséricorde.
4. « La tête d’un puissant qui roule sur le sol a toujours été l’un des spectacles le plus affectionnés des masses. La mise à mort d’un important console la multitude de sa médiocrité ».
En France nous en savons vraiment quelque chose et cela n’a pas vraiment changé depuis 1789…
5. Un opposant: « La Russie de Poutine n’est pas ma patrie, Vadia. Je ne la reconnais plus. Avec tous nos défauts, pour la première fois dans l’histoire russe, nous avions réussi à construite un pays libre. […] vous avez retransformé la Russie en ce qu’elle a toujours été : une énorme prison ».
Oui c’était la première fois dans les années 1990 et ce fut bref…
6. Les conseillers occidentaux à Moscou dans ces années-là: « Ils dispensaient conseils et jugements avec le ton de celui qui s’adresse à un enfant dont on saisit déjà qu’il va mal finir malgré tout l’amour et les efforts des parents »
Si bien vu…
7. « Comme cela arrive aux personnes intelligentes qui perdent le pouvoir, Berezovsky était devenu sinon plus sage, du moins plus lucide. Je me souviens que ce soir-là je l’ai complimenté sur son impeccable accent british.
« Que veux-tu y faire, tes ancêtres parlaient le français et se refugiaient à Paris, le Russe moderne parle anglais et se sent à son aise à Londres ! »
Il faut bien connaître l’histoire russe pour être so on target 😉
8. « Soudain j’ai vu ma vie pour ce qu’elle était : une lutte sans fin avec l’ange de la négligence, de la brutalité injustifiée et des appétits ingouvernables ».
Non, le livre n’est pas ‘pro-Poutine’: il montre un homme qui a cru peser sur le Tsar, s’est brûlé les ailes mais a sauvé sa vie… « Car voici que je vais faire venir le malheur sur toute chair, — oracle de l’Éternel —; et je te donnerai ta vie pour butin, dans tous les lieux où tu iras » (Jr 45,5)…