Tout au long du livre, les personnages des précédents romans ayant pour héros (pourtant si fragile et si perdu) le fascinant commissaire Adamsberg, distrait et tenace à la fois, apparaissent avec leurs manies uniques et leurs étrangetés attachantes. La solide Retancourt, le fidèle second Danglard, ou l’élégant Veyrenc de Bilhc, forment comme une cour informelle qu’unit une même dévotion envers Adamsberg, sourcier de la vérité. Comme pour toutes les grandes oeuvres policières aux personnages récurrents, il y a un plaisir secret et difficilement définissable à retrouver ces compagnons d’imagination devenus presque des amis. Les nombreux lecteurs qui se sont laissé saisir et enchanter par le ton unique des romans de Fred Vargas retrouveront avec gourmandise son univers décalé et cependant étonnamment réel. L’histoire avance à son rythme, entremêlant un crime crapuleux dans un milieu grand bourgeois parisien avec une sombre histoire de meurtres dans la campagne normande. Monde de rumeurs, de rancunes anciennes et de filiations obscures. Vargas convoque un vieux mythe des pays nordiques, qui donne son titre à l’ouvrage, pour camper une Normandie plus vraie que nature. On aimerait relever une par une les phrases bien tournées que l’on prend plaisir à relire. « L’idée pernicieuse creuse sa galerie. Elle progresse sans bruit dans les espaces indicibles de l’esprit, elle furète, elle déambule. On la repousse, elle se tait, elle revient. » Fred Vargas aime les gens simples, les sages inconnus, les humbles anonymes et brocarde les mondains, les poseurs et les orgueilleux. La précision des détails, l’attention au monde animal – un pigeon blessé et soigné est un personnage à part entière – la finesse psychologique des dialogues, font de la lecture de ce nouvel opus un vrai régal. Le monde de Fred Vargas est tellement surréaliste qu’il parvient à nous révéler autrement notre réel. Loué soit-il ! (publié dans la revue Etudes en 2011)
LIVRE – 01/06/2013 – Éditeur : J’ai lu