Difficile de nier que la question du conflit israélo-palestinien soit l’une des plus brûlantes du monde et que la religion y joue nécessairement un rôle majeur. Pourtant peu d’ouvrages traitent explicitement – et sérieusement – de la question religieuse du rapport à la terre en général et du rapport à cette terre en particulier. Il faut louer le courage des éditeurs et des auteurs qui ont accepté, dans le cadre de leur foi, de traiter théologiquement de la façon la plus honnête possible la relation de leur tradition religieuse à la terre d’Israël. Aux trois auteurs, il convient d’ajouter le préfacier, diplomate européen en poste à Jérusalem, qui livre une réflexion de nature philosophique sur le couple droit et violence. Il sera difficile sur un tel sujet de convaincre tous les lecteurs, même et peut-être surtout au sein de sa propre confession. L’intervention de Tareq Oubrou, imam français, apprend beaucoup de choses sur la tradition sunnite et son rapport à l’histoire (les différences avec le chiisme sont bien présentées), mais surprend par un côté quelque peu touffu (création de néologismes et développements parfois périphériques au premier abord) : on en attendrait parfois davantage mais prendre la parole dans ce cadre est déjà un acte fort. À l’issue de son étude, très claire et d’une grande franchise, le rabbin David Meyer invite à écouter à nouveau les paroles tranchantes de Yeshayahou Leibowitz, « l’un des premiers à attirer l’attention du judaïsme et des Israéliens sur l’incompatibilité totale entre l’éthique juive et la situation d’occupation ». Il dénonce fortement la logique des « colons » qui s’apparente à une idolâtrie de la terre et la « bulle messianique » d’une partie croissante du monde religieux israélien lui fait penser à la crise sabbatéenne du XVIIe siècle (autour du faux messie Sabbatai Tsvi). De façon plus brève mais avec des mots justes, le père Michel Remaud invite les chrétiens à tenir ensemble le souci évangélique de la justice avec la reconnaissance de la relation particulière du peuple juif avec sa terre, en évitant tant la tentation de juger que celle de prendre parti. Très riche, parfois dense, ce livre nécessaire appelle une conversation plus large…
Recension parue dans la revue Etudes en 2015