FILM – 04/05/2016 – de Kevin Reynolds avec Joseph Fiennes, Tom Felton, Peter Firth
L’avantage d’Hollywood c’est qu’ils ont les moyens et qu’ils savent faire un ‘film avec des Romains’, qui plus est christique ! Et nous pensons avec affection au parodique et récent Hail Caesar des frères Coen. Cela dit, même avec des moyens, on peut se planter! Je trouve que le scénariste Paul Aiello s’en est très bien tiré. L’intuition à la base du scénario est assez classique, aborder la fin de la vie du Christ à partir du regard extérieur d’un romain (ici un tribun). Il y a une chose surprenante, et qui n’apparait pas du tout dans la bande-annonce, c’est la dimension drôle du film: les dialogues sont nerveux, efficaces et souvent… drôles (certains critiqueront cette dimension comique : je l’ai trouvée plutôt originale et évitant la sur-dramatisation). Aucune grande tirade et c’est bien ! Beaucoup de choses sont bien rendus dans le film: la reconstitution de l’époque et de la tension qui règne dans la ville et sur la terre d’Israël, l’absence d’élément anti-juif (les sadducéens sont toujours clairement désignés sans que cela soit excessif), les acteurs sont bons avec une mention spéciale à Joseph Fiennes, crédible (Pilate et Marie-Madeleine sont bien aussi et… Jésus (c’est une des premières fois que je vois un Jésus que je trouve physiquement crédible)). Au plan du scénario, et à la différence de Mel Gibson, Aiello ne prétend jamais « suivre » les évangiles (tout en leur étant, en réalité, sur des points clefs, plus fidèle, par exemple en ne filmant pas le moment de la résurrection): en pratique, la première heure (clairement la meilleure) suit fidèlement Matthieu (l’argent et les gardes, le tremblement de terre, etc), nous avons ensuite une séquence johannique avant de conclure avec Luc. Pour bien montrer qu’il ne ‘suit’ pas servilement les évangiles mais qu’il fait aussi œuvre personnelle, le scénariste a ajouté l’un ou l’autre élément clairement inventé (l’arrivée prochaine de l’empereur, un miracle après la Résurrection) ou fait des choix romanesques (Marie de Magdala connue comme ‘femme de la rue’ à Jérusalem et la poursuite, assez ridicule, des disciples par les Romains en Galilée) mais l’ensemble est quand même plutôt fidèle aux évangiles. Sur le fond, il y a deux éléments qui sont intéressants à discuter : la question du rapport de la foi et de la certitude (avec deux axes : peut-on ‘voir’ Jésus ressuscité si l’on n’a pas connu son enseignement et ses signes de puissance ? et le fait que la foi ne supprime pas les questions (belle scène avec Simon-Pierre sur ce point)) et celle de la dimension de trouble et d’agitation vécus par les disciples en ces jours de la Passion. Les Apôtres ont été pris dans un maelstrom de sensations, de questions, tentés par la joie mais aussi parfois saisis par la peur. Bref, dans ce genre hautement balisé et où les pièges sont nombreux, le résultat n’est pas à dédaigner. Ce film, qui n’est certainement pas sans défauts, peut déshabituer nos regards et nous amener à « réaliser » à nouveau le choc absolu que fut « la résurrection ». Il peut aussi servir de lancement à un bon débat sur les questions de théologie fondamentale posées par la résurrection.
COLRAT
En prenant quelques libertés avec l’Écriture, le réalisateur de Résurrection est-il vraiment fidèle au Message qu’il se propose de transmettre par un scénario mêlant fiction et récit évangélique? La foi de l’Église trouve-t-elle un écho juste dans celle du réalisateur? Cela vaut peut-être la peine d’en discuter pour discerner la portée évangélisatrice de ce document. Voici ma perception de 3 points délicats qui ne me permettent pas d’adhérer à cette représentation comme croyant.
-La Résurrection transmise par les Évangiles est prise dans l’annonce fondamentale « Je suis venu accomplir » (« Et partant de Moïse et de tous les prophètes… »). La liturgie de la Résurrection va donc de Pâques à la Pentecôte comprise. Omettre cet accomplissement, c’est vider l’évènement d’une grande partie de sa substance Trinitaire (Dans le film, rien sur l’Eucharistie (!), pas grand-chose sur l’Église et Marie « Voici ta mère » oubliée en route).
-Sans cette colonne vertébrale, le film donne la priorité à des éléments secondaires et imaginés (le rôle des soldats, le linceul) et passe à côté du principal : le Sacerdoce du Christ, le Salut offert à toutes les nations en commençant par Jérusalem.
-Le film n’est pas exempt d’antisémitisme qui montre un bloc Juif méchamment uni contre le Messie, exception discrète faite de Nicodème (l’occupation romaine est vue avec bienveillance). C’est encore ignorer l’Écriture qui nous dit que les disciples-Juifs pour la plupart, après l’Ascension étaient sans cesse dans le Temple à louer Dieu (les Apôtres du film sont même très falots).
Ce film, peut laisser penser que la foi est un cheminement purement personnel, comme celui du personnage central, le tribun et non la source d’énergie de l’Ecclesia-Rassemblement de tout le genre humain dans les bras du Père. C’est assez symptomatique d’un Occident hyper individualiste où tout se joue dans le feeling et surtout hors de l’institution (le ‘converti’ à la fin continue sa route tout seul, sans les Apôtres…Pas besoin).
Aristote
Ce film n’est pas une catéchèse ! Et comme tout film, il prend un « point de vue ». les questions pertinentes sont : du point de vue cinématographique est-ce un bon film ? Dans un monde en fait déchristianisé, peut-il amener des gens « du dehors » à se poser à nouveaux frais la question de la Résurrection ? Le film ne donne pas et ne prétend pas donner une réponse « complète », si tant est qu’il y en est une.