Un documentaire de Nurith Aviv. Six êtres humains, ayant partie liée avec le travail de la langue, comme auteur ou traducteur, et ayant tous connu une migration (qu’elle soit d’exil ou pas), nous racontent leur rapport à la langue en passant par le biais d’une lettre qui a, partout dans le monde en vient-on à penser, un statut spécial, en tant qu’elle permet de déterminer avec sûreté origine et parfois même religion: la lettre ‘R’. Est-elle roulée ou pas? Caressante ou dure? En russe, il y a même un verbe spécial pour ceux qui n’y arrivent pas: картавить. Il y eut des lieux où parfois la vie elle-même en dépendait comme à la frontière haïtienne sous Trujillo avec ‘perejil’. Souvent, elle fut pour les enfants l’occasion de moqueries et de questions identitaires (la seule chose qui m’a (un peu) surpris c’est que Nurith n’a pas pris la question au sein même du français car il y a des régions de France qui ont un ‘r’ diffèrent du parisien; mais elle voulait, je pense, rester dans l’international au sens strict). Avec le dispositif habituel de Nurith, des plages de temps égales entre chacun, filmées de la même manière et interviewés sans coupe, nous avons droit à une leçon d’anthropologie fondamentale au fond. Tant de choses se jouent dans la façon dont nous parlons, dont parfois notre identité, fut-ce imperceptiblement, change lorsque nous passons d’une langue à langue. Bref, c’est du pur Nurith Aviv et l’on reconnaît sa patte entre mille. Cela parle de langue, certes mais c’est surtout d’une profonde finesse et humanité. Tous ceux qui sont passionnés par le mystère des langues et de la traduction ou qui ont vécu une expérience de changement de langue, seront passionnés…