Au sud d’Israël, un ancien site métallurgique, des mines de cuivre, avait été trouvé et fouillé au début des années 1970: Timna. Pour l’auteur, il fournirait le premier indice tendant à montrer que « YHWH était à l’origine un dieu intimement lié à la métallurgie et plus particulièrement à la production du cuivre », un dieu des forgerons d’un peuple (ou caste professionnelle): les Qénites (hypothèse défendue, sous une forme un peu différente, par des chercheurs allemands du 19è siècle). la thèse est très bien écrite et a la grande vertu d’être très claire. Elle est riche d’éléments très intéressants (Timna est une fille de Séïr (Gn 36,22), un des lieux d’origine de YHWH en Dt 33,2), voire suggestifs (comme sur la racine de YHWH comme remontant à un verbe signifiant ‘souffler’). Dans un appendice remarquable sur les sources, l’auteur montre qu’il connaît et a lu les travaux des chercheurs les plus récents sur la question. Pour autant, il ne me semble pas que cette hypothèse puisse, pour le moment, supplanter le travail d’enquête effectuée par Thomas Römer, qui l’a invité à faire connaître ses recherches, dans ‘L’invention de Dieu’ (qui maintient l’hypothèse ‘classique’ d’un dieu de l’orage des déserts du sud) mais je dois avouer que je ne suis en rien un spécialiste de cette question! J’ai beaucoup aimé le ton sérieux et prudent car on voit bien comment ce genre d’hypothèses pourrait favoriser des lectures de type ésotérique. Bref, il s’agit d’une brillante hypothèse, fort astucieuse (son explication sur le shofar ou sur Is 54,16a, Gn 32 comme récit d’initiation, les remarques sur l’originalité du ‘sacrifice’ pascal où rien n’est dévolu à la divinité), passionnante (comme sa lecture des 12 pains de proposition dans le Temple: » Si ces douze pains ne sont pas une nourriture offerte à YHWH, ils pourraient symboliser la présence des douze tribus d’Israël dans le sanctuaire, c’est-à-dire dans le Jardin d’Éden. Cette interprétation correspond à l’idée d’une transformation des Israélites dans leur intégralité (et non pas seulement au travers d’une élite représentative) en un peuple de YHWH, siégeant autour de lui comme le faisaient les dieux au conseil divin. Cela expliquerait aussi pourquoi les prêtres sont tenus de manger les pains de proposition, c’est-à-dire de les transformer réellement en chair (la leur propre) », qui, pensant à l’eucharistie, me paraît très parlant) et heuristiquement suggestive, mais tout de même fragile (ce que l’auteur reconnaît d’ailleurs sportivement: « Il faut l’avouer, les efforts des auteurs bibliques pour obscurcir les traces des origines de leur religion ont porté leurs fruits »). Cela dit, s’il se révélait que sa reconstitution historique des origines du Dieu d’Israël était correcte (c’est possible) – ou devenait majoritaire – cela ne changerait rien notre foi (ou la foi juive d’ailleurs je pense). En tout cas, il faut créditer doublement l’auteur, pour la clarté de son propos et l’humilité de son ton.