
Une série (Canal+) de Eric Benzekri, avec Nina Meurisse, Ana Girardot, Pascal Vannson, Xavier Robic, Alassane Diong, Lou-Adriana Bouziouane, en six épisodes d’environ 50′ (2024). Dans la France d’aujourd’hui, c’est la soirée des trophées du Football (UNFP). Vers la fin de la soirée, un attaquant vedette d’une grande équipe parisienne, d’origine sénégalaise mais qui joue en équipe de France, donne un coup de tête à son coach, qui venait de lui murmurer quelque chose à l’oreille, en lui disant: ‘sale toubab’. Filmée, la scène fait le tour des réseaux sociaux et le pays s’enflamme. Exemple typique de racisme antiblanc ou coup de chaud d’une star déçue? Deux femmes sont au cœur de la série. Une communicante, Sam Berger. Divorcée, d’origine juive et au bord de la dépression, elle sent le pays comme personne et voit venir des nuages sombres à l’horizon. Son job pour l’agence de com engagée par le président du club: calmer le jeu et revenir au jeu… De l’autre côté, une stand-upeuse proche des milieux de droite dure, Marie Kinsky, dont le show intitulé ‘Marie vous salue’ (plutôt bien vu comme nom, ce me semble) attise les braises. Par conviction, opportunisme ou pour un autre motif? Ecrite par les scénaristes et producteurs derrière ‘Baron noir’, la série frappe par la qualité de son écriture, le jeu des acteurs (les deux femmes surtout, on ne parlera pas de Benjamin Biolay, mou et peu crédible). Elle nous parle de notre temps et de notre pays. Notre temps où les réseaux sociaux, les bulles médiatiques, les identités fragiles et exaltées à la fois, entrent dans un maelstrom qui semble – parfois – inarrêtable. Dans notre pays, la France, qui vit un changement radical de sa composition ethnique et religieuse, qui n’est pas facile à vivre sereinement. Des activistes de la mouvance ‘woke’ soufflent sur les braises avec un discours revendicatif hargneux, en partie mythique, nourri de ressentiments imaginaires et de discriminations en partie réelles, jubilent d’affronter des activistes identitaires, tout aussi hargneux et revendicatifs, dans une vision de la France tout aussi mythique. Des deux côtés, ils jubilent de voir la guerre civile comme une possibilité qui sera, selon eux, purificatrice voire salvatrice. Une partie d’échecs s’engage autour de ce terrain culturel majeur de passions et de sous: le football. Qui l’emportera? Remarquable série, qui fait parfois froid dans le dos tant elle est réaliste et bien écrite. Elle vaut bien des pavés sur la sociologie de la France d’aujourd’hui. Connaître le foot est un bonus mais n’est pas du tout indispensable. Clairement une des meilleures séries françaises. Et pas seulement parce qu’elle cite plusieurs fois Stefan Zweig!