Dans cet essai féministe malin et rageur, sorti en 2006, Despentes dénonce la façon dont les femmes sont contraintes d’adopter un ton, un style, une façon d’être en fonction du désir masculin. Dans quatre chapitres nerveux, elle parle successivement du viol (elle en a subi un, comme beaucoup), de la prostitution (elle a pratiqué aussi) du porno (elle connaît) et de King Kong et des femmes qui ne rentrent pas ‘dans les cases’. Plusieurs formules, en passant, sonnent justes. « Nous régressons vers des stades d’organisation collective infantilisant l’individu » (26). « La virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l’assignement à la féminité » (concept qu’elle bouscule au passage copieusement). Ou encore, « la féminité c’est la putasserie » (126..)( tout comme elle s’étonne que si peu ait été écrit sur la masculinité depuis trente ans (elle écrit en 2006!): « plus un type manque de qualités viriles, plus il est vigilant sur ce que font les femmes » (125). Au fond elle invite les femmes à être elles-mêmes dans leur diversité, sans se laisser impressionner par la femme sociale idéale (celui de « de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle « ). Mais elle sait que c’est dur et que cela le restera… La première phrase donnera le ton: » j’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf ». C’est écrit sous le mode pamphlétaire mais il mérite la lecture.