Une série (Netflix) de Alessandro Fabbri, avec Vittoria Puccini, Francesco Scianna, Camilla Filippi, Alessandro Averone, Euridice Axen, en huit épisodes de 50′ environ. Nous sommes à Mantoue, ville cossue du nord de l’Italie et dans un milieu fort aisé. Une jeune fille de 17 ans est retrouvée morte dans la rivière. Les soupçons se portent sur la fille d’un notable de la ville mariée à l’amant de la jeunette. Une procureure coriace et un avocat ambitieux vont s’affronter dans le procès retentissant qui s’ensuit. La série est plutôt bien écrite et bien jouée et, en VO (point de romain, de napolitain ou de vénète mais de l’italien classique, toscan, parfaitement prononcé: un bonheur pour l’oreille, comme avec la voix un tantinet et délicieusement voilée de Vittoria Puccini), se laisse voir agréablement. Il y a deux réserves sur le script: un énorme élément de scénario révélé d’entrée (et dont on voit mal franchement comment il peut demeurer secret!), qui colore tout ce qui suit (de façon tout de même invraisemblable) et les choix romantiques de la proc’ (là aussi difficilement compréhensibles dans les moments de revirement) et une réserve sur la manière de filmer: on alterne entre des décors carte postale chic de Mantoue et des scènes en studio et on a l’impression d’être dans une ville sans habitants. La situation morale, familiale, italienne contemporaine est, hélas, décrite avec justesse. Malgré ces quelques réserves (et une fin à faible catharsis; le juge Ti de van Gulik serait déçu), la série se laisse voir (malgré les facilités d’écriture susmentionnées) mais je reconnais que je suis bon public (surtout en italien!).
Une dernière réflexion: Ce que révèle cette série, c’est le trou noir dramatique d’une société italienne (mais cela vaudrait de beaucoup d’autres pays européens) sans enfants. On n’en voit jamais (ni comme protagonistes ni dans les rues, etc). Alors même que l’enfant est une ombre, une absence, une impossibilité permanente (une femme éduquée de 35 ans peut montrer tous les signes de sa grossesse au spectateur, elle-même semble ne pas envisager une seconde que c’est une chose qui puisse arriver!), il est au cœur du récit au fond comme une obsession cachée. Une société, un pays, où l’indice de fécondité est à 1,2-1,3 depuis plus de trente ans, engagé donc dans une division par deux (ou presque) de sa population à chaque génération: cela crée un vortex de peur inconsciente. A noter la totale sécularisation, comme dans les fictions italiennes récentes: il n’y a plus de référentiels catholiques. Des ‘adultes’ intelligents, ambitieux, fragiles, mais qui, dans leur vie personnelle, montrent leur absence de boussole et leur immaturité. A 35/40 ans, ils se demandent s’ils sont assez adultes pour avoir un enfant. Terriblement pathétique et touchant à la fois…