Ce film polonais de Pawel Pawlikowski a été très bien reçu par la critique internationale et l’on en comprend bien les raisons : la beauté esthétique magnifiée par le noir et blanc que le réalisateur parvient à faire jaillir dans cette Pologne des années grises d’après-guerre qui ont suivi les années noires de la guerre, le jeu remarquable des deux actrices principales, la sobriété et la clarté de la narration…
Dans un couvent de campagne, une jeune postulante à la veille de prononcer ses vœux se voit intimer par sa supérieure l’ordre d’aller rencontrer l’unique membre de sa famille avant de s’engager. En effet cette tante a enfin répondu aux lettres des sœurs et a accepté de donner son adresse. La postulante s’appelle en fait Ida Lebenstein mais elle ne le sait pas encore…
Sa tante va lui apprendre à la fois son origine juive et la mort de ses parents pendant la guerre, cachés puis tués par des paysans polonais. Nous savons que de tels faits ont eu lieu : le livre fort et posthume de Charles T. Powers, En mémoire de la forêt, nous y avait plongés en 2011. L’objectif du film est de décrire deux personnages qui doivent chercher à vivre sur les décombres de ce qui fut leur culture et leur famille…
L’une avait cherché dans la fureur marxiste à combler son vide intérieur et sa douleur ; l’autre a pu grandir dans une communauté religieuse catholique protégée par son ignorance totale de ses origines et du monde… La première va y rester, l’autre pas… C’est une odyssée, une quête identitaire, une descente dans les enfers de la bassesse humaine mais aussi, parfois, dans les grâces de moments de tendresse improbables. Même si les deux femmes sont totalement dissemblables, elles vont peu à peu se rapprocher. Le film est historiquement totalement crédible : nous connaissons à la fois ces juifs qui rejoignirent la résistance communiste et devinrent des cadres du nouveau régime et ces enfants cachés dont certains ignorèrent longtemps leur identité réelle.
D’un autre côté, le réalisateur a voulu davantage s’intéresser à l’itinéraire intérieur de Ida (qui est en partie, mais en partie seulement, le sien). Nous allons la voir renouer patiemment avec sa tante meurtrie par le terrible drame qu’elle a vécu, rencontrer un jeune musicien doux et finalement se reposer la question de son choix de vie et avancer en liberté : Comment savoir si l’on est ‘prêt’ pour une décision majeure ou pas ?
Un beau dialogue avec le musicien nous ouvre sur une facette de sa décision finale mais le mystère de celle-ci nous échappe. Une belle réflexion sur le mystère d’une vocation et un superbe portrait de femmes…