Un film de François Ozon avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, Éric Caravaca, Bernard Verley, François Marthouret, Josiane Balasko, Aurélia Petit. Ce film, quasi documentaire, suit étroitement les victimes, François, Alexandre, Emmanuel (quelques unes d’entre elles en fait, tant elles ont été nombreuses) d’un prêtre criminel du diocèse de Lyon. Avec pudeur, sensibilité et retenue (ce qui le rend d’autant plus fort), il montre des vies minées dans la durée par ces abus subis, entre 8 et 12 ans, par de jeunes scouts et ce que le processus de mise à jour et de parole provoque dans les familles et dans le diocèse. Alors que Spotlight partait des journalistes, ce film met au premier plan les victimes et c’est vraiment heureux. Il est bien écrit, très bien interprété et pose, sans s’appesantir, les bonnes questions. Il montre très bien comment ce sont des des familles entières qui ont été affectées, des relations parents enfants, de futures relations de couple (la femme d’Alexandre, Marie, est un magnifique personnage et le moment de parole qu’elle a avec Emmanuel un des moments les plus émouvants pour moi du film). Oui, comme le dit l’un des protagonistes, « parler fait du bien ». « La vérité vous rendra libres » et « Celui qui fait la vérité vient à la lumière ». Le parcours de ces hommes est profondément émouvant et l’on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de colère sourde devant ces responsables institutionnels (sans pour autant prétendre aucunement que « l’on aurait fait mieux ») qui ont si longtemps toléré et couvert ces crimes. Ces responsables ne sont nullement présentés comme des ‘salauds’ d’ailleurs mais comme des apparatchiks ayant fait prévaloir une logique de postes à pourvoir et de capacités plutôt que le respect évangélique des plus petits. On s’interroge sur le fait que ces prêtres n’aient pas été renvoyés, depuis des lustres, de l’état clérical (et que cela ne soit pas encore acté dans le cas concret me laisse sans voix)(ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas possible de les aider à vivre dans leur vieillesse d’ailleurs; en quoi cela est-il incompatible ??). Qu’il n’ait pas été vu plus tôt que les sacrements du Christ eux-mêmes (eucharistie, réconciliation, ordre) sont salis, compromis, ébranlés, (et qu’il en va donc aussi de la foi elle-même et de sa crédibilité) par le fait que l’on ait toléré de tels ministres de ces même sacrements, laisse aussi sans voix. Alors, oui c’est dur et cela ‘fait mal à l’Eglise’ mais c’est un chemin de vérité. Je suis reconnaissant au réalisateur d’avoir été au plus près des victimes, de ne pas avoir cherché à en rajouter ou à faire un film à thèse, ce qui ne rend l’ensemble que plus fort et poignant. Un film nécessaire donc et, en outre, cinématographiquement réussi.