Un film (Netflix) de Adam McKay avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Mark Rylance, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Ariana Grande, Jonah Hil. Kate, une jeune doctorante en astrophysique et Randall, un professeur de la même discipline à la Michigan University découvrent une comète dont la trajectoire rencontrera la terre dans un peu plus de six mois. Ils cherchent à alerter les autorités mais se heurtent à de fortes résistances… Même si la base du récit est tout à fait plausible en soi (quoique la probabilité en soit faible), la parabole est limpide et montre l’aveuglement des humains en général et des politiques en particulier face à la crise climatique (tout à fait certaine elle). Le film est bien écrit, bien joué et bien réalisé avec un casting remarquable d’où se détachent les deux protagonistes principaux ainsi que le fondateur mégalomaniaque d’un groupe type GAFA, Mark Rylance (Peter Isherwell; inspiré tant de Steve Jobs que de Elon Musk). Le film est à la fois un très bon divertissement et une analyse remarquablement acérée de notre société et de ses travers (les réseaux sociaux qui détournent du réel et favorisent les théories fumeuses, l’inutilité d’essayer de discuter avec les complotistes de tout poil sur internet, c’est une pure perte de temps, la compromission des politiques avec les grands intérêts économiques, etc.). La satire d’une politique de type Trump (Cf. les meetings de la présidente Orlean: c’est très fin de montrer qu’une femme aurait pu être également comme Trump: il y en a d’ailleurs) est brillante et cruelle à la fois. Certes, le film est très américain et le reste du monde est à peine évoqué mais cela se comprend aussi d’un point de vue scénaristique (d’autant plus que les travers dénoncés se trouvent aussi ailleurs).
Deux dimensions méritent quelques mots en plus. La dimension anthropologique et la dimension théologique. Sur la première, le film montre bien le côté essentiellement irrationnel de l’être humain d’une part, ce qui peut peut paraître décourageant (cf. ma chronique KTO de septembre :https://www.youtube.com/watch?v=9yPjYDtagro ) mais a aussi le mérite de montrer l’importance de la relation vraie et de la confiance pour son bonheur (cf. la relation entre Kate Dibiasky et Yule) et pour changer d’avis. A un moment, Yule s’écrie: ‘Yeah, guys are weird! ». Jérémie l’avait dit avec force il y a 2700 ans: « Le cœur de l’homme est compliqué et malade ! Qui peut le connaître ? » (Jérémie 17,9). La dimension spirituelle est, volontairement je pense, mise au second plan mais elle n’est pas du tout pour autant absente comme le montre la très belle prière finale dite par Yule en forme de benedicite. Elle dit l’essentiel: « A la tarde te examinarán en el amor » comme disait Jean de la Croix: au soir de notre vie, tout comme au soir de l’humanité, nous serons jugés sur l’amour. Dieu n’a jamais garanti nulle part un succès du projet humain sur cette terre-ci! Bien au contraire, pourrait-on dire. « En ces jours-là, après une pareille détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées »(Mc 13,24). Le film propose donc à la fois une satire puissante et efficace de notre société et donne des éléments pour réfléchir sur la fin des temps. Pourquoi certains ont-ils peur?! En tant que chrétiens, nous ne devrions pas avoir peur. Nous ne devons ni nous réjouir de voir des signes de plus en plus clairs d’une fin apocalyptique ni nous réfugier dans l’inaction découragée ou la prière angoissée. Il s’agit de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les choses aillent mieux, et « passer en faisant le bien » (Ac 10) c’est-à-dire en aimant. A la fin, ce qui compte, c’est l’amour donné et la gratitude exprimée (« I am grateful we tried »). Comme le dit le prophète Michée: « Humain, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8). Pour une analyse plus longue des enjeux théologiques de la crise climatique en lien avec la fin des temps, cf. mon papier dans la Civiltà Cattolica repris dans Etudes en février 2020: « Vivre la foi sous l’horizon de la fin du monde ? ». La leçon ultime du film rejoint tout à fait ce qui était celle de First Reformed, ce film génial et encore trop peu connu de Paul Schraader (2017). Mais celui-ci était clairement plus sombre et élitiste (reprenant Bernanos et Bergman; cf. https://www.marcrastoin.fr/first-reformed/) tandis que Don’t Look Up est clairement grand public. Bref, c’est un film extrêmement pertinent sur notre situation présente qui mérite d’être vu et discuté ensuite. Et, en plus, il est cinématographiquement réussi. A ne surtout pas manquer!
Anne Mortureux
100% en phase Marc! Je pourrais ajouter une dimension psy individuelle et collective… on a passé un bon moment, mais ça fait très mal. A mettre en lien avec la BD de Jancovici…