L’ouvrage impressionne : par sa taille, l’envergure de l’enquête interdisciplinaire et la clarté de l’introduction et de la postface. Le thème est passionnant et les auteurs des contributions (dont deux espagnols et un canadien) sont parmi les meilleurs spécialistes du sujet. Il vient donner des éléments, pas à pas, région par région (l’Espagne n’est pas l’Egypte), et sans idéologie préconçue. Ils viennent ainsi bousculent cette opinion fort répandue qui fait, d’une part, de ‘la religion’ un facteur intrinsèque de violence et, d’autre part, du christianisme une religion persécutrice quand elle est en position sociale de l’être.
Plusieurs épisodes bien documentés de la fin du 4ème siècle et du début du 5ème siècle – la destruction de la synagogue de Callinicum (Raqqa en Syrie) en 385 et l’assassinat de la philosophe Hypatie à Alexandrie en 415 – ont pu donner l’impression que l’empire, devenu officiellement chrétien avec Théodose, était persécuteur des cultes non chrétiens, païens d’une part et juif d’autre part. Il s’agit davantage de mouvements incontrôlés échappant aux autorités ecclésiastiques locales et ne définissant nullement une politique d’ensemble. Une bonne part du débat tourne autour de la définition même de ce qui constitue une ‘persécutions’. Des mesures de discrimination légale, de retard dans la construction de bâtiments, d’exclusion de certains postes dans l’armée ou la haute fonction publique, sont à distinguer des épisodes, rares, de violence brutale. Il est souvent bien difficile de distinguer dans une émeute urbaine ce qui relève de motifs socio-économiques et ce qui ressort de l’aspect religieux. Les empereurs, même chrétiens, ont souvent défendu leurs privilèges face aux évêques et ont su conserver des collaborateurs non-chrétiens à des postes clefs. Un ouvrage de référence dont le sous-titre montre hélas l’actualité…
Recension parue dans la revue Etudes en 2014