Autant son précédent m’avait déçu, autant celui-ci m’a touché. Ferrari part d’un monde qu’il connaît bien: la Corse. Nous allons suivre une femme née en 1965, Antonia. Elle grandit en Corse mais veut devenir photographe alors que bon nombre de ses amis d’enfance entrent dans le FLNC et le mouvement nationaliste plus largement. Étouffant d’être contrainte à des photos convenues de fêtes de village ou de mariage, elle rêve de sortir faire des photos qui aient du sens. En Corse, nul ne la comprend vraiment si ce n’est peut-être son oncle. Celui-ci, le narrateur fort souvent, est devenu prêtre. La photographie a souvent fixé les pires atrocités de l’histoire humaine récente: elle leur a donné une image. Comment croire encore après les exactions commises en Libye en 1911, après Auschwitz, après le Vietnam et les victimes de famine? Comment croire encore que l’homme a été fait à l’image de Dieu? Antonia, elle, va affronter les violences de l’ex-Yougoslavie eu début des années 90 tout en étant de plus révulsée par les luttes intestines et les mesquineries, sanglantes, de ses anciens amis apprentis terroristes. C’est toujours aussi superbement écrit, rythmé par la liturgie des funérailles telles qu’elles peuvent encore être chantées en Corse. Les thèmes n’ont rien de nouveau parce qu’ils sont éternels: la violence inévitable, l’amour qui échappe, le pardon difficile, l’incompréhension en famille, le deuil insupportable, mais il y a le coeur de l’homme. Il est compliqué et malade, capable du pire comme du meilleur. Et Dieu pleure avec nous…