Sorte de longue homélie ou de grande conférence, fruit d’une année avec un groupe chrétien du Caire, ce livre plaide vigoureusement pour une idée simple et juste: Dieu nous veut libres: il « nous a pas créées pour être ses éternels débiteurs, toujours en dette, toujours soumis ». Il y a cependant une difficulté réelle: la représentation qui est faite, surtout dans la première partie du livre, du judaïsme et du Paul d’avant Damas. Elle est caricaturale et aujourd’hui contestée par l’immense majorité des exégètes (à part quelques luthériens assez isolés). Négligeant totalement la lettre aux Philippiens (et son « irréprochable quant à la Loi »), il dépeint un Paul qui ressemble bigrement à Luther et a des expressions malencontreuses sur le judaïsme. Dire de Paul qu’il « a permis à la communauté chrétienne de dépasser les frontières étroites du monde juif et palestinien » est doublement inexact: Formé de millions de personnes, le monde juif dépassait, que ce soit dans son versant hellénistique ou dans son versant babylonien, largement les frontières de la terre d’Israël (qu’on ne peut en outre sans anachronisme qualifier de ‘palestinien’ avant 135) et d’autre part d’autres que Paul évangélisaient au-delà de la Judée comme Apollos ou Pierre lui-même. Pour ce qui est de l’évangile, il gagnerait beaucoup à lire la remarquable thèse de son frère Anthony Giambrone, Sacramental Charity, Creditor Christology, and the Economy of Salvation in Luke’s Gospel. Maintenant l’auteur a l’art de la formule parlante et tombe souvent juste: « il n’y a pas, dans la foi chrétienne, de vie morale sans vie spirituelle ».