
Un film de Mathias Mlekuz avec Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot. Un homme a perdu un de ses fils d’un suicide il y a un an. Ce fils, qui était musicien et clown, avait fait à vélo un parcours en Europe de la France à Istanbul cinq ans auparavant et ce père décide de refaire ce parcours avec un ami proche de la même façon. On va les suivre du pot de départ avec un groupe d’amis jusqu’à l’arrivée avec une suite de péripéties souvent comiques (la scène dans le B&B autrichien est absolument désopilante). Et l’on suit les conversations entre les deux amis, naturelles, toutes simples, maladroites et vraies. On parle de la mort, du deuil, du sens de la vie. De tradition catholique mais non pratiquant et venant d’une famille plutôt communiste, le père est ébranlé et il aimerait tant revoir son fils, même si c’est au-delà de la mort. Son ami l’écoute et l’aide pudiquement d’abord en étant là. Ce film, quasi documentaire, est d’une grande honnêteté, fraicheur et force. On y sent l’aspiration humaine à retrouver ses morts, surtout quand l’ordre ‘naturel’ des décès est rompu. Mathias est shakul, un père qui a perdu un enfant, ce statut qui en français n’a pas de mots pour le dire. Comme l’écrit S. Veronesi dans le Colibri: « Dans de nombreuses langues, le mot n’existe même pas, mais il existe par exemple en hébreu, shakul, qui vient du verbe shakal qui signifie justement ‘perdre un enfant’, et il existe en arabe, thaakil, avec la même racine, et en sanscrit, vilomah, littéralement ‘contraire à l’ordre naturel’, et il existe dans de très nombreuses variantes des langues de la diaspora africaine, et dans un sens moins univoque il existe aussi en grec moderne, charokammenos, qui signifie ‘brûlé par la mort’, désignant de façon générique une personne frappée par un deuil, mais on l’emploie presque exclusivement pour désigner un parent qui perd son enfant […] ». Touchant et drôle à la fois. Terriblement humain.