Nous suivons la vie du jeune Archibald (Archie) Ferguson. Né vers 47, c’est un jeune juif new-yorkais grandissant dans une famille ultra sécularisée, qui ressemble étrangement à l’auteur. Dans ce roman total et incroyablement ambitieux, Auster a eu l’idée de se demander ce que serait devenu son ‘héros’ si certains événements s’étaient produits ou pas ou si certaines décisions avaient été prises ou pas. Nous suivons ainsi notre Archie à différents âges, selon que son père meurt alors qu’il est jeune, que ses parents divorcent ou pas, selon qu’il aille à Columbia ou à Princeton, etc. On pourrait croire que l’on se perdra mais très vite, en reprenant le fil d’un ‘autre’ Archie, l’événement clef de ce destin-là nous revient et nous permet de suivre assez aisément. C’est fascinant et très humain. Effectivement notre vie dépend d’un ensemble de variables dont certaines décisives échappent à notre détermination (le divorce ou la mort des parents, le statut économique de la famille, certaines rencontres déterminantes, etc.). Certes notre Archie est bien toujours le ‘même’, par exemple, il aime écrire et voudrait devenir écrivain, mais en même temps un peu ‘diffèrent’. Tout en nous plongeant dans une tranche de l’histoire américaine (la guerre du Vietnam, la lutte pour les droits civiques), et dans un territoire très précis (New Jersey et New York), racontant les films qu’il voit et les livres qu’il lit, nous avons aussi affaire à un livre métaphysique, ricoeurien, questionnant ce qui fait l’unité de nos vies: un chef d’œuvre.